Introduction d’espèces animales ou végétales , volontaires ou accidentelles, dans le milieu marin : exemple de Caulerpa taxifolia
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Commission Mer et Littoral de EELV – Fiche Thématique – janvier 2002

 

 

Cette fiche est issue du travail des militants d’Europe-Ecologie-Les Verts et a été validée par la Commission Mer et Littoral de EELV. Il ne s’agit néanmoins pas de la position officielle d’EELV sur le sujet.

 

Etat des lieux

Toute espèce introduite peut devenir une espèce proliférant. Depuis un siècle l’apparition d’espèces nouvelles est due principalement aux activités humaines (importation par les eaux de ballast des navires, par les importations de naissains, par le canal de Suez). Elles peuvent modifier complètement les paysages marins et mettre en péril l’équilibre des écosystèmes. On parle d’introduction accidentelle pour Caulerpa taxifolia ou semi-accidentelle pour Sargassum muticum. Pour certaines espèces, l’introduction volontaire telle celle de l’huître japonaise Crassostrea gigas représente un atout économique.

La rapidité de l’expansion de Caulerpa taxifolia a généré de nombreuses inquiétudes quant aux conséquences de sa prolifération sur l’écosystème, et les répercussions directes ou indirectes, observées ou prévisibles sur les activités socio-économiques. La souche méditerranéenne, nouvelle variété génétique, présente une aptitude à coloniser de nombreux habitats où elle peut devenir dominante, entraînant ainsi un appauvrissement de la faune et de la flore. Par ailleurs, une autre espèce, Caulerpa racemosa montre aussi une dynamique invasive en Méditerranée. L’invasion par les Caulerpes pourrait constituer un nouveau cas d’école, modèle pour l’étude des problèmes posés par les espèces envahissantes. Les laboratoires universitaires effectuent des recherches détaillées sur l’évolution de la biodiversité dans les prairies à Caulerpe et la modélisation mathématique permet de faire la synthèse de l’ensemble des connaissances de quelque nature que ce soit, susceptibles d’informer sur la dynamique de son expansion spatiale et sur son évolution possible.

Débat en cours et analyse critique

Pour cerner l’impact de l’expansion des Caulerpes auprès des populations et pour connaître son impact socio-économique, il est indispensable d’identifier les activités susceptibles d’être affectées par l’invasion de la Caulerpe, notamment celles pour qui la qualité de l’environnement marin, ou de la représentation que l’on s’en fait, sont un attribut pour la demande adressée à cette activité (pêche côtière professionnelle ou récréative, activités liées au tourisme). Dans les zones les plus contaminées, les pêcheurs signalent une diminution importante de leurs prises, les filets se remplissent de fragments d’algues. De même, la monotonie des paysages sous-marins de caulerpes diminue l’attrait de certains sites de plongée et font fuir les plongeurs en scaphandre autonome. Le plan d’action couvre trois volets : la recherche ( plus de 50 organismes de recherche internationaux), l’observatoire qui représente une activité de veille sur l’évolution des écosystèmes et l’observatoire socio-économique, la prévention et la mise au point de moyens de lutte pour stopper son invasion et ralentir son expansion. L’éradication de l’ensemble des colonies de Caulerpa en Méditerranée n’est plus réaliste.

Un réseau de veille s’étend et couvre l’ensemble du territoire marin avec le concours des pêcheurs, des plongeurs, de tous les praticiens de la mer. La sensibilisation des usagers est devenue une priorité pour adopter de nouvelles pratiques en mer pour ralentir la dissémination. Depuis 15 ans les colonies sont concentrées de part et d’autre de Monaco, lieu probable de la contamination en Méditerranée. De 1m2 en 1984, elle est de 8000 à 10000 Ha fin 2001. Une surveillance est particulièrement renforcée dans les eaux du Parc National de Port-Cros. Des opérations d’éradication sont menées une ou deux fois par an et de nombreux usagers de la mer participent à ces repérages et ces actions. La conservation de la biodiversité qui constitue le fondement des écosystèmes et permet leur fonctionnement, est une priorité dans les eaux du parc national marin.

Dans le Protocole relatif aux aires spécialement protégées (Convention de Barcelone) le Parc national doit prendre toutes les mesures appropriées pour réglementer l’introduction volontaire ou accidentelle dans la nature d’espèces non indigènes et d’interdire celles qui pourraient introduire des effets nuisibles sur les écosystèmes, habitats ou espèces.

Sur terre, on peut considérer que la vigilance est aussi grande lorsqu’il s’agit de lutter contre les incendies, contre les espèces indésirables qui envahissent le territoire. Leur maîtrise peut sembler plus aisée car on utilise des moyens appropriés. En mer, les techniques de lutte semblent dérisoires tant les moyens sont coûteux et difficiles à mettre en œuvre. Les techniques de destruction in situ par des ions cuivre, la lutte biologique, l’arrachage manuel ou mécanique sont autant de techniques utilisées suivant la profondeur, le type de substrat. On éradique 1m2 par heure et par plongeur, manuellement. On contrôle la colonisation à un stade précoce. L’issue de la compétition de Caulerpa avec les autres espèces de Méditerranée reste encore à déterminer. Sa rapidité d’expansion est spectaculaire puisqu’en 16 ans elle couvre environ 10 000 Ha sur le plateau continental de la Méditerranée française. Elle colonise autant les substrats sableux, vaseux ou rocheux, l’herbier de posidonies et sa matte morte, les petits fonds comme les profondeurs de 30-50 mètres. Les chercheurs devraient permettre d’avancer sur les protocoles d’action pour son contrôle.

Remarques de la commission

Il semble que l’algue Caulerpa taxifolia ait trouver en Méditerranée un biotope qui lui convient (matte morte de Posidonies) Son expansion est telle qu’aucune technique ne pourra, actuellement, l’éradiquer totalement. Il faut poursuivre la recherche sur la biologie de cette espèce et mettre tout en œuvre pour que les sites protégés tels le parc Marin de port Cros ou les parcs régionaux marins ne soient pas “ infectés ” par cette algue. Pour les autres sites, attendons que l’aire d’expansion de Caulerpa taxifolia se stabilise. Sa régression est même possible dans les années à venir.

 

Les acteurs de la société impliqués dans ce débat

Les scientifiques avec les ceux qui sont favorables à l’éradication et ceux qui sont défavorables, les collectivités locales, les pêcheurs, les plongeurs

 

Rédactrice de la fiche

Christine Sandel

EELV PACA

Personne ressource ou expert sur le thème

Christine Sandel