La pêche
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Commission Mer et Littoral de EELV – Fiche Thématique – mars 2002

 

Cette fiche est issue du travail des militants d’Europe-Ecologie-Les Verts et a été validée par la Commission Mer et Littoral de EELV. Il ne s’agit néanmoins pas de la position officielle d’EELV sur le sujet.

 

Etat des lieux

Les ressources halieutiques ont longtemps été considérées comme inépuisables. Ce n’est que depuis peu que le constat a été fait que des espèces ont disparu de certaines zones de pêche. Les poissons ne disparaîtront pas physiquement des océans mais économiquement, les pêcheurs voient des espèces disparaître. C’est le cas par exemple de la dorade rose dans certaines régions, et le merlu, la sole, la lotte, sont des espèces qui risquent d’être en danger si la surpêche continue dans les conditions actuelles.
Face au constat de cet appauvrissement de la ressource, une politique de gestion durable aurait dû être mise en place. Au lieu de cela on a constaté une fuite en avant vers les poissons des grands fonds qui se reproduisent lentement, et le développement de la pêche minotière, pratique prédatrice où toutes les espèces pêchées sont transformées en farine pour l’alimentation animale (pisciculture et agriculture).
Toutes les pratiques de pêche, peu importe les apparaux utilisés, sont prédatrices. Il existe quand même des variations. Le Nabéran, le chalut à perche sur certains fonds, les chaluts pélagiques… , sont des engins de pêche particulièrement « efficaces » et sont en général utilisés par les pêches industrielle. Mais, malgré l’utilisation de ces engins, la rentabilité des navires même gros, est difficile.
Par ailleurs, le contrôle des tailles marchandes se fait mal ou pas du tout. La taille de commercialisation, qui ne tient pas compte de la biologie la plus élémentaire, produira à terme la baisse globale de la ressource.
Dans les années 80 l’Europe a développé une Politique Commune des Pêches (PCP). Cette politique a surtout consisté en subventions pour le remplacement des navires, avec comme principe la diminution de la puissance globale. Ce qui s’est traduit par une fuite en avant des flottes de pêche, et l’augmentation de la part de la flotte industrielle. La politique prévue dans le cadre de la PCP 2002 préconise la réduction des flottilles pour protéger la ressource, une politique des quotas individuels transmissibles (Q.I.T) qui va accélérer les concentrations de capitaux pour la pêche industrielle, diminuer le nombre des bateaux et des licences de pêche, pour la pêche artisanale. A brève échéance cela signifie l’extinction des marins-pêcheurs artisans.
Pourtant la pêche artisanale nourrit des populations plus nombreuses, pour un coût financier et énergétique moindre. Elle se consacre presque exclusivement à la consommation humaine. L’industrie de la pêche emploie de 5 à 30 personnes par million de dollars investis, la pêche artisanale en emploie entre 500 et 4 000.
Les armements de pêche industrielle pratiquent un politique d’économie sur les emplois. Ces entreprises font de plus en plus appel aux marins de pays les plus pauvres qui sont rémunérés sur la base des revenus moyens de leurs pays. A Madagascar, un pêcheur peut être payé 2,5 kg de crevette (celles que l’on trouve dans les super marché congelées a coté des crevettes d’élevages qui détruisent les mangroves de certains pays)
En fait il n’y a pas de politique de gestion des ressources et des hommes, pas de véritable politique économique. On laisse le marché réguler tout, ce qui ne laisse d’autres choix au producteur que de pêcher plus.
La logique économique actuelle entraînera un appauvrissement  de la ressource et la disparition de bon nombre d’entreprises de pêche. Les plus petits souffrent de la pollution littorale. Les moyens et plus gros iront jusqu’au bout de la sur-pêche.
Et pour aller jusqu’au bout de la logique, des économies sont faites sur les équipages, qui entraînent la fuite des marins hexagonaux au profit de marins qu’il est facile de payer moins. Et des accords inégaux signés avec les pays en voie de développement permettent un pillage des ressources halieutiques de ces pays, au détriment des pêcheurs locaux.
Débat en cours et analyse critique
Les Verts ne peuvent que condamner la pêche industrielle qui ne travaille pas d’une manière responsable. La quantité de poissons débarquée à des tailles limites fait plonger les cours et les stocks sont détruits ou transformés en aliments pour animaux en faisant toucher au pêcheur un prix retrait (financé en partie par nos impôts).
Mais la prise de conscience des pêcheurs se fait toujours hélas lorsque la crise est présente. Rarement d’anticipation. Les représentants nationaux de la profession sont dans des logiques industrielles.
Des contacts avec la confédération paysanne sont en cours avec les plus petites entreprises de pêche. La mise en place des quotas de pêche est une éternelle tractation où les voix raisonnables si elles existent, ne sont guère entendues.
Les CTE (Contrats Territoriaux d’Exploitation) maritimes seraient une possibilité de gérer la ressource. Une modification dans ce sens de la loi sur les CTE avec extension aux zones côtières et possibilités de CTE collectifs est nécessaire. De tels contrats permettront de combler le manque à gagner qui se profile vu les quotas en diminution sur certaines espèces.
Quelles seront les contraintes qui seront demandées aux pêcheurs pour quels avantages ? –  La réflexion ne fait que commencer.
Il est souhaitable qu’un réel dialogue s’instaure entre tous les professionnels de la filière le plus largement possible, avec chercheurs, juristes professionnels de la pêche, de la conchyliculture, des élus du littoral et des régions bref toutes les institutions travaillant a tous les niveaux pour essayer de mettre sur pied une politique a long terme au lieu de gérer au coup par coup et dans l’urgence.

Position officielle des Verts sur ce sujet
(Livre des Verts, motion CNIR sur le bar, plaquettes sur la maturité sexuelle des poissons, autocollants poissons sauvages, poissons d’élevage)
Instauration d’une zone côtière protégée, réservée à la petite pêche. Soutien à la pêche artisanale, maintien des pêcheurs et des activités économiques du littoral,
Modification des principes de gestion. Gestion de la ressource avec les professionnels (stocks et licences). Mise sous quotas de toutes espèces pêchées et vendues (voir exemple de gestion du bar, fiche annexée). Mise en place de CTE maritimes. Mobilisation contre le principe des quotas individuels transmissibles.
Plafonnement des aides à la production pour freiner la concentration des entreprises. Limitation des subventions à 2 bateaux par armateur.
Renforcement de la sélectivité des techniques de pêche, et moratoire sur les techniques les plus dévastatrices. Modification de la réglementation sur la taille de commercialisation, afin de la faire correspondre à la taille de maturité sexuelle des poissons et des crustacés. Respect des repos biologiques pour les espèces dont on connaît le cycle de reproduction.
Suppression des pêches minotières dont les prélèvements importants pour nourrir les poissons d’élevage, épuisent les ressources naturelles de l’océan.
Information complète des consommateurs, par l’étiquetage (poisson d’élevage ou sauvage, lieu de pêche obtenu récemment par l’Europe), mais aussi information sur les techniques de pêche, et surtout les composants alimentaires des poissons d’élevage …
Moratoires sur les engins de pêche les plus prédateurs et une forte incitation à l’étude des engins sélectifs. Interdiction des pélagiques dans la zone des 12 milles.

Autres prises de position proposées par la commission
– Inclure le coût de la sécurité dans le prix des produits de la mer,
– Soutenir un prix au producteur lui permettant de vivre de sa pêche sans être obligé à la “ sur-pêche ”,
– Moderniser la flottille par la construction de bateaux neufs pour la pêche côtière, en les renouvelant à taille égale et en intégrant les normes de sécurité.
– Tenir compte de la gestion des animaux marins, en s’assurant qu’ils se sont reproduits au moins une fois avant d’être pêchés,
– Reconnaître les femmes de marins comme des partenaires de travail à part entière (logistique à terre).

Rédactrice de la fiche
Michelle PENDELIEVRE
Roch Izella
29120  TREMEOC
Tél/Fax :02.98.66.04.58

Personnes ressources sur le thème
Michèle PENDELIEVRE , Catherine BOUDIGOU

Slogans de campagne
Ne pêchons pas les juvéniles !
UN EXEMPLE DE GESTION DE LA RESSOURCE HALIEUTIQUE

Le bar ou loup est un poisson prisé par les consommateurs français. A ce titre il est très recherché par les pêcheurs plaisanciers et professionnels, Son élevage s’est aussi fortement développé dans plusieurs pays méditerranéens dont la France, Les bars se regroupent en hiver pour se reproduire dans certaines zones qui peuvent changer au fil des années. La pointe Bretagne fait partie de ces zones. Le bar peut être péché par toutes les techniques existantes. Deux techniques sont principalement utilisées par les pêcheurs professionnels : la ligne et le chalut pélagique.

LES LIGNEURS : Pêchent toute l’année sur cette espèce qui représente 80% de leur chiffre d’affaires, Il s’agit là de petites entreprises, des canots entre 5 et 9 mètres de long, une personne à bord, le patron, sa conjointe qui commercialise la pêche et gère l’entreprise. Un étiquetage des bars se pratique, à différents endroits du littoral , dans le but de préciser au consommateur le mode de pêche, l’identification du bateau, ce qui donne une traçabilité au produit.

LES PELAGIQUES : Travaillent par 2 bateaux traînant un chalut ensemble. Ils peuvent être équipés d’informatique immergée pour le positionnement du filet et la densité des captures à rentrer dans le filet, couplée à de l’informatique embarquée.  Le bar représente pour ces entreprises 40% de leur chiffre d’affaires. Navires de 16 à 25 m ayant à bord 5 à 7 hommes embarqués sur l’un des bateaux et 3 à 4 hommes sur l’autre. Ces bateaux pêchent le bar deux mois de l’année pendant la période de reproduction, suivant les conditions climatiques, la température de l’eau et la concentration des poissons. Les pélagiques représentent 10% de l’ensemble de la flottille et pêchent 53% de la production.

REGLEMENATIONS ET PRATIQUES
La France a instauré une limite de pêche aux pélagiques soit : 5 tonnes hebdomadaire par navire (en 1999, du 1er janvier au 30 avril). L’Europe n’a instauré aucune limite de pêche sur cette espèce, non soumise à quota, ce qui signifie que sur les mêmes zones de pêche à la pointe de la Bretagne, des bateaux battant pavillon anglais ou néerlandais peuvent pêcher sans limitation, ce qui s’est produit cette année. Des pêches de 30 tonnes n’étant pas exceptionnelles, pour 1 à 8 jours de pêche. Il arrive que ces bateaux pêchent dans la zone française des 12 milles, zone qui est encore actuellement sous le contrôle de chaque état européen. La ponction pêchée par la plaisance n’est pas évaluée. Il y a 15 ans, le même scénario s’est produit avec la dorade rose à la pointe de la Bretagne. En trois ans ce poisson était devenu une espèce négligeable au niveau économique pour les petits bateaux et les plus gros. Elle avait disparu.
BARS D’ELEVAGE
L’élevage du bar dans des fermes aquacoles paraît être, pour certains, une solution intéressante de s’affranchir des contraintes et des carences du milieu naturel.  Il permet certes un approvisionnement régulier du marché, de poissons calibrés avec des critères de fraîcheur intéressants. Ces aspects ne doivent pas faire perdre de vue ce qu’induit ces élevages à caractère intensif :
– Chutes des cours car non maîtrise de la production qui affecte aussi la production sauvage.
– Utilisation importante de produits de traitement “ préventifs et curatifs ” qui sont dispersés dans le milieu marin (vaccins anti-parasitaires, antibiotiques, etc.).
– Risque de contamination des espèces sauvages.
– Le prélèvement de poissons sauvages dans le milieu naturel pour fabriquer des farines nécessaires à cet élevage et aux élevages d’autres espèces, quelles soient maritimes ou terrestres (l’agriculture pouvant au passage remplacer les farines animales par des farines de poisson), risque à terme d’interrompre une chaîne alimentaire existante dans le milieu naturel. Pour 1 kilo de bar d’élevage, au minimum 4 kilos de poissons sauvages sont nécessaires.
– Il n’y a pas de taille marchande définie pour ce poisson d’élevage.
– Le consommateur ne doit plus rester dans le flou et doit connaître la réalité des produits achetés.

PROPOSITIONS DES VERTS
Depuis quelques années, la gestion des ressources halieutiques est devenue particulièrement difficile à mener, tant en France que dans le reste du monde.  Les stocks s’épuisent sans que l’on sache exactement les possibilités de renouvellement. Cette situation engendre de graves difficultés économiques, sociales et culturelles.
Des mesures sont à prendre à plusieurs niveaux, des textes existent déjà et doivent être appliqués :
– Intervention des Affaires maritimes pour faire respecter les restrictions de pêche dans la zone des 12 milles.
– Sanctions à la hauteur des infractions constatées.
– Restriction de la pêche au bar en période de reproduction pour toutes les flottes européennes, sur l’ensemble de la mer communautaire.
– Mise en place de quotas de pêche. Cette espèce, sous estimée, reste une espèce vitale pour les petits métiers côtiers qui la pêchent toute l’année.
– Soutenir l’initiative d’étiquetage prise par les ligueurs de la pointe Bretagne, et l’étendre aux autres espèces.
– Faire respecter la taille de commercialisation minimum de ces poissons par tous les pêcheurs, professionnels et plaisanciers.
– Tenir compte, dans la décision de supprimer une technique de pêche qui passe pour plus prédatrice qu’une autre, des personnes qui en vivent. Dans tous les cas cette décision ne devra pas entraîner une exportation des dégâts sur d’autres espèces qui sont elles même en danger de surexploitation. Le report des efforts de pêche doit être analysé.
– Adapter les Contrats Territoriaux d’Exploitation (CTE), valables dans le domaine agricole, pourrait permettre de soutenir les entreprises et les hommes vivants sur les territoires du littoral, et de mettre en place une vraie gestion de la ressource.
– Maîtriser la recherche sur les nouvelles techniques de pêche. Du maillage des filets à l’informatique embarquée, il devient vital de mettre en place des garde-fous. La recherche ne doit pas s’orienter uniquement vers le “pêcher plus” mais doit prendre en compte “le gérons mieux”. Cela passera par un plus juste prix payé aux producteurs.
Il devient urgent que l’étiquetage “POISSON SAUVAGE/POISSON D’ELEVAGE” se mette en place ou niveau national, européen et mondial.
La ressource des mers et océans n’est pas inépuisable et il est important que l’ensemble des consommateurs en ait conscience.