Comment en finir avec la pollution par déballastage des résidus d’hydrocarbures (“ dégazages ”)
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Commission Mer et Littoral de EELV – Fiche Thématique – décembre 2001

 

 

Cette fiche est issue du travail des militants d’Europe-Ecologie-Les Verts et a été validée par la Commission Mer et Littoral de EELV. Il ne s’agit néanmoins pas de la position officielle d’EELV sur le sujet.


 

Etat des lieux

La convention internationale MARPOL pour la prévention de la pollution par les navires a établi des règles strictes interdisant le rejet en mer d’hydrocarbures et autres substances polluantes.

En application de cette convention, les navires doivent tenir à jour un “ registre des hydrocarbures ” et un “ registre des déchets ”, sur lesquels doivent être indiqués les lieux et dates des rejets, que ceux-ci soient effectués à la mer pour les matières autorisées (déchets secs non polluants, eau contenant moins de 15 parts pour mille d’hydrocarbures après passage dans un appareil appelée “ séparateur des eaux mazouteuses ”), soit effectués au port pour les déchets dont tout rejet en mer est interdit.

La même convention prévoit que les Etats doivent prendre toutes dispositions pour que les ports mettent à la disposition des navires des équipements de réception à prix peu élevé et incitatif. La convention Marpol propose aux Etats de subventionner éventuellement ces équipements.

En fait beaucoup de ports sont dépourvus des équipements voulus, et lorsque les facilités nécessaires existent, elles sont parfois très chères, et souvent non disponibles 24h/24 et 7 jours/7.

Par certains côtés, on peut donc dire que les ports (et donc les Etats qui les abritent), au lieu d’inciter les navires à se débarrasser de leurs déchets au port, les incitent à les jeter à la mer.

En ce qui concerne les rejets mazouteux, le terme “ dégazage ” généralement utilisé est impropre. Les pétroliers modernes sont construit selon des normes prévues par Marpol qui permettent d’éviter les rejets à la mer des résidus de nettoyage des cuves, pratiqués il y a encore peu de temps. En fait les principales pollutions sont dues aux rejets de résidus liés aux moteurs de propulsion. La quantité de résidus liée à un moteur donné est d’ailleurs connue, et on trouve dans la convention Marpol une formule mathématique qui permet de la calculer.

Débat en cours et analyse critique

La France vient enfin de se rendre compte (en partie grâce à notre action) qu’elle n’est pas en accord avec la convention pour les moyens dans les ports.

Ceux-ci devraient, en principe, être mis aux normes Marpol. Et une loi a été votée par le parlement, réprimant les capitaines qui n’auraient pas déballasté les résidus du navire avant l’appareillage. Mais on peut se poser des questions sur l’efficacité de cette loi, dans la mesure où rien dans le texte n’oblige les directeurs des ports à se mettre en conformité.

Par ailleurs, la présence dans les ports d’un nombre suffisant d’inspecteurs qualifiés, qui contrôleraient systématiquement le registre des hydrocarbures, qui en vérifierait la véracité, qui feraient la comparaison entre les chiffres indiqués et les quantités de déchets produits par le moteur en fonction de sa puissance, permettrait d’éviter toute pollution par les navires qui auraient été ainsi contrôlés.

Enfin, pour une lutte efficace contre ce type de pollution, une répression suffisamment importante et correctement ciblée est nécessaire. Or, actuellement, par la loi de 1983 réprimant la pollution par les hydrocarbures, seul le capitaine du navire est considéré comme pénalement responsable. Ce texte prévoyait des amendes de 1 million de francs, somme énorme pour un capitaine (surtout si, comme c’est le cas sous pavillon de complaisance, son salaire est du niveau d’un ouvrier français), mais somme dérisoire pour le donneur d’ordre. Le parlement, sur proposition du député de Concarneau Le Bris, vient de modifier cette loi, en renforçant la répression, par le doublement de l’amende et le triplement de la peine de prison prévue. Malgré les interventions des députés Verts qui ont suivi le dossier, l’armateur et le donneur d’ordre ne sont toujours pas en première ligne, et cette augmentation de la répression ne changera rien.

 

Position officielle des Verts sur ce sujet

Dans les “ 25 propositions pour en finir avec les Erika ”, les Verts réclament la mise en cause de la responsabilité environnementale (civile et pénale) des donneurs d’ordre.

Or, dans son état actuel, le droit français ne permet pas de répondre à cette exigence. La loi n°83-583 du 5 juillet 1983 réprimant la pollution par les navires présente en effet deux lacunes majeures.

Ce texte ne permet pas d’engager la responsabilité pénale des véritables donneurs d’ordre et notamment des affréteurs. La loi engage à titre principal la responsabilité pénale du capitaine et permet tout au plus de mettre les amendes à la charge de l’exploitant ou du propriétaire du navire ; “ compte tenu des circonstances de fait, et notamment des conditions de travail ” du capitaine. L’engagement de la responsabilité du capitaine à titre principal est sans lien avec la responsabilité réelle du capitaine. Le propriétaire de la cargaison (qui a choisi le navire, et par conséquent l’armateur et le capitaine), l’opérateur, l’armateur, le propriétaire du navire, sont sans aucun doute mieux adaptés pour représenter “ le navire ”.

Les Verts demandent donc la révision de la loi du 5 juillet 1983 pour que la responsabilité pénale et civile des vrais donneurs d’ordre soit engagée. La loi doit préciser que l’engagement de cette responsabilité doit aller jusqu’à la prise en charge intégrale par les affréteurs du coût de remise en état des milieux naturels affectés par les pollutions.

D’autre part, tout navire ayant l’intention d’entrer dans les eaux territoriales françaises, soit pour transit, soit pour escale, devra fournir aux services de sécurité une attestation d’un organisme bancaire ou d’assurance précisant que celui-ci se porte garant en cas de dommages causés par une pollution marine dus aux hydrocarbures ou aux marchandises transportées. En cas de transport d’hydrocarbures, le garant devra obligatoirement être le propriétaire de la cargaison. En cas de sinistre, l’organisme qui s’est porté garant du navire pourra être tenu pour pénalement responsable au même titre que le propriétaire, l’armateur ou l’affréteur du navire.

Par ailleurs, Les Verts demandent que soit assurée dans les ports la réception à faible prix des résidus d’hydrocarbures de propulsion pour tous les navires, la réception systématique des résidus de nettoyage des cuves pour les navires-citernes, le contrôle systématique des indications portées sur le registre des hydrocarbures pour vérifier s’il n’y a pas eu dégazage en mer, la mise en cause pénale, par modification de la loi de 1983 des autorités portuaires qui auraient contribué, par leur négligence, à une pollution de la mer.

 

Les acteurs de la société impliqués dans ce débat

Armateurs (représentés par Comité Central des Armateurs de France, CCAF)

AFCAN (Association Française des Capitaines de Navires)

Agents maritimes

Autorités portuaires

 

Rédacteur (s) de la fiche

Jean-Paul Declercq

EELV Pays-de-la-Loire