Eléments pour une politique régionale de la mer et du littoral en vue des élections de 2010
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Eléments pour une politique régionale de la mer et du littoral

en vue des élections de 2010

Commission Mer et Littoral des Verts

 

Novembre 2009

 

 

15 des 26 régions françaises possèdent une façade maritime. Dans ces régions, les exécutifs doivent faire face à des problématiques spécifiques, que ce soit en mer ou sur le littoral. Ces milieux, particulièrement fragiles, sont en effet confrontés à de fortes pressions : exploitation des ressources primaires marines, trafic maritime, pollutions marines ou côtières, concentration des hommes et des activités sur le littoral… Le développement durable de cet espace côtier et marin, où les enjeux en termes de protection des écosystèmes, de cohabitation et de pérennité des activités économiques et de maintien de la cohésion sociale sont particulièrement forts, doit être un axe majeur de la campagne d’Europe Ecologie pour les élections régionales de 2010.

 

Même si les conseils régionaux n’ont pas toujours les compétences réglementaires pour pouvoir appliquer une politique maritime d’ampleur régionale, ils peuvent, par leur représentation dans de nombreuses instances, par le biais du subventionnement ou du refus de subventionnement, par une politique volontariste et ciblée et par la cohérence de leur discours sur le sujet œuvrer pour une réelle politique de la mer et du littoral qui modifie les pratiques actuelles ou accompagnent les mutations. A l’heure où une triple crise, écologique, sociale et économique, s’installe durablement dans le paysage, où des bouleversements sont à prévoir sur la frange littorale avec l’élévation du niveau marin, l’accentuation des phénomènes météorologiques et l’érosion généralisée des côtes, où l’activité de pêche doit faire face à une nécessaire mutation pour espérer se maintenir et préserver la biodiversité marine, il est grand temps d’agir.

 

Deux axes prioritaires sont détaillés (pêche et littoral), ainsi que les mesures à promouvoir dans les différents champs de compétence des régions (économie maritime, transports maritimes, formation-recherche-innovation).

 

Axe prioritaire 1 : une pêche soucieuse des générations futures et favorisant le maintien des populations côtières qui y sont liées

La politique des pêches, qui ne répond pas aux besoins de préservation de la ressource et de l’activité de pêche à moyen terme, est fortement contingentée par l’Union Européenne. Cependant, les compétences des régions en matière de développement économique et d’emploi permettent aux élus régionaux d’avoir des leviers d’action. Les trois piliers d’une politique des pêches, prise dans son ensemble, sont pour les Verts :

  • le maintien des ports de pêche, comme axe structurant des zones littorales ;
  • le maintien des pêcheurs artisans et de la petite pêche ;
  • le maintien de la biodiversité halieutique.

Dans le détail nous préconisons notamment :

  • d’arrêter le pillage des ressources des pays tiers (c’est à dire principalement les pays du Sud) ;
  • en cas de fermeture de quotas pour la pêche professionnelle, d’interdire également la pêche de l’espèce concernée aux pêcheurs plaisanciers ;
  • d’aider et d’encourager à la diversification des revenues pour les pêcheurs, les femmes de pêcheurs, mais aussi les ostréiculteurs ;
  • de faciliter la construction de bateaux neufs pour la pêche côtière, moins gourmands en énergie et intégrant les nouvelles normes de sécurité, en les renouvelant à taille égale ;
  • de modifier la réglementation sur la jauge, qui incite à la construction de navires dangereux et suréquipés ;
  • de mettre en place un service d’intérêt économique général dans les ports pour permettre l’enregistrement des débarquements consignés dans les look-book des bateaux (et non les statistiques faites de poisson sous criées) afin d’avoir d’une part la connaissance précise des prises en mer, et d’autre part pour instaurer la vente par circuits courts;
  • de favoriser la traçabilité et l’étiquetage des produits de la pêche vendus dans la grande distribution, ainsi que pour les produits mis à l’étal, surgelés, cuisinés et proposés dans la restauration collective.

A l’échelon régional, plusieurs idées doivent être portées par les candidats aux Régionales :

  • instauration d’une zone côtière protégée, réservée à la petite pêche professionnelle ;
  • gestion territorialisée des pêches, par façade maritime et régionalement ;
  • arrêt de la politique de régulation de la pêche par une politique de démolition et de concentration des flottes, au profit de sociétés de plus en plus grosses et puissantes ;
  • modification du matériel de pêche, dans le sens de « pêcher moins pour pêcher mieux » (sélectivité des engins de pêche, économies d’énergie) ;
  • promotion des circuits courts de commercialisation permettant une rémunération plus juste des pêcheurs ;
  • accompagnement du travail de traçabilité, de normalisation et d’écosociolabelisation qui prendraient également en compte les aspects sociaux ;
  • soutien financier des associations éduquant le public à une consommation halieutique plus éco-responsable (espèces non menacées, circuits courts, poissons à taille adulte…) ;
  • amélioration des filières de formation professionnelle (voir partie sur la formation).

 

Axe prioritaire 2 : Le littoral, un espace fragile à préserver

En matière d’aménagement du territoire, les régions doivent faire face à l’étalement urbain et à la pression foncière de leurs littoraux qui entraînent l’artificialisation du trait de côte, des problèmes de mixité sociale (populations moins aisées reléguées loin à l’intérieur des terres), la détérioration des écosystèmes littoraux et des patrimoines naturels et culturels littoraux. Des actions sont à entreprendre en la matière au niveau régional :

  • élaborer et mettre en œuvre une stratégie régionale d’aménagement du territoire, à partir des documents stratégiques, en créant une mission mer et littoral dans chaque région littorale ;
  • faire respecter la loi « littoral », souvent bafouée par le mitage des paysages côtiers, en proposant dans certains cas un repli stratégique (déconstruction)
  • stopper l’étalement urbain en densifiant les centres-villes, en particulier dans les petites villes de la zone rétrolittorale ;
  • peser pour une urbanisation maîtrisée du littoral dans les outils de planification territoriale (schémas régionaux d’aménagement, SCoT…) ;
  • limiter drastiquement les activités commerciales sur les plages et milieux naturels, en limitant l’installation de douches de plage et en favorisant la concentration des commerces de façon raisonnée et concertée en arrière du trait de côte, en travaillant le cas échéant avec le conservatoire du littoral ;
  • développer les chartes de bonne conduite (charte de GIZC, charte paysagère, labellisation…), bien qu’elles restent insuffisantes et que des réglementations doivent être portées au niveau national ;
  • créer des Etablissements Publics Fonciers pour limiter la spéculation foncière en mutualisant les moyens financiers des collectivités locales pour l’acquisition de terrains et la construction de logements sociaux répondant aux minima de la loi SRU  et pour préserver des héritages maritimes bâtis menacés privilégier la concertation avec les acteurs du littoral (collectivités locales, professionnels, habitants) dans une démarche de Gestion Intégrée des Zones Côtières ;
  • définir une capacité d’accueil des villes côtières, et particulièrement des stations balnéaires pour limiter l’empreinte écologique du tourisme et diminuer l’injustice sociale dans certains secteurs
  • préserver et mettre en valeur le patrimoine maritime culturel, bâti ou immatériel, support de l’identité littorale afin de le transmettre aux générations futures.

Le tourisme littoral est surtout synonyme de pression sur le milieu et de « bétonnage des côtes ». La politique du tout-tourisme est à proscrire et de nouvelles pratiques à développer et à accompagner :

  • arrêt de la construction de nouveaux ports de plaisance et de l’extension des ports existants, en limitant les reconversions de ports de pêche en ports de plaisance ;
  • développement de la navigation collective (co-propriété ou co-location, systèmes de location pour tous, écoles de voile…) ;
  • limitation des mouillages forains ;
  • création de ports à sec et requalification d’espaces portuaires délaissés ;
  • développement de l’éconavigation (construction, utilisation, accueil et déconstruction des bateaux dans un objectif durable) ;
  • soutien aux structures d’hébergements accueillant les catégories sociales les plus défavorisées ou les saisonniers (campings encadrés et centres de vacances pour enfants), dans certains secteurs en voie de disparition.

La biodiversité marine et littorale, aujourd’hui soumise à de nombreuses pressions, doit être préservée :

  • en freinant l’artificialisation du littoral ;
  • en développant des espaces protégés (PNR, AMP, trames bleues…) ;
  • en restaurant les écosystèmes dégradés, en particulier en milieu récifal ;
  • en construisant des récifs artificiels en matériaux non polluants (béton et non pneus par exemple) pour servir de frayères aux poissons, en le couplant éventuellement avec des éoliennes off-shore (supports des pylônes) ;
  • en limitant la fréquentation des sites les plus fragiles.

Des mesures spécifiques sur la qualité des eaux côtières et marines doivent être prises :

  • restauration de la qualité des eaux côtières via les Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux ;
  • lutte contre les pollutions terrestres (agriculture productiviste et emploi de phytotoxiques par les collectivités et jardiniers amateurs, stations d’épuration insuffisantes ou sous-normes diffusant des déchets humains et industriels dans les rivières et finalement dans la mer) et marines (voir partie sur les transports maritimes) ;
  • généralisation des installations de traitements des eaux noires et grises à l’ensemble des ports ;
  • recensement des polluants dans les boues de dragage, interdiction stricte des rejets pollués en mer, traitement à terre dans des bassins, recensement des dépôts anciens non traités et travail préventif pour la non-prolifération des pollutions dans les ports ;
  •  « intégration dans les taxes portuaires du débarquement des déchets opérationnels du navire (« boues » d’hydrocarbures, résidus huileux, poubelles) »

Enfin, dans un contexte général d’élévation du niveau de la mer et d’érosion côtière, la prévention des risques naturels est essentielle :

  • prise en compte des risques dans les documents de prospective et d’aménagement du territoire ;
  • généralisation des Schémas de Prévention des Risques dans les communes littorales ;
  • limiter la construction d’aménagements littoraux contre l’érosion côtière aux ouvrages indispensables (îles basses, zone urbanisée dense…), voire déconstruction de certains ouvrages
  • interdire l’extraction des granulats et du maërl à proximité des côtes qui déséquilibre les transits sédimentaires et favorise l’érosion et la destruction d’écosystèmes.

 

Une économie maritime à soutenir

L’approche maritime reste à ce jour souvent très sectorielle. Au-delà de la pêche, c’est l’ensemble de la filiale maritime qu’il faut soutenir, pour peu que les activités soient éco-responsables, afin de maintenir l’emploi en zone côtière et préserver la mixité sociale :

  • l’agriculture littorale respectueuse de l’environnement, fortement menacée par la pression foncière ;
  • la construction, la réparation navale et surtout la déconstruction navale, secteur à soutenir en priorité en restant attentif aux risques de pollution ;
  • la conchyliculture, de façon raisonnée, en travaillant à l’amélioration des conditions de milieu dans un contexte de développement des algues toxiques et de réchauffement climatique ;

Le développement des énergies marines renouvelables constitue une opportunité réelle pour les régions littorales d’atteindre leur autonomie énergétique. Les conseils régionaux doivent soutenir la recherche et développement en la matière (prototypes, études environnementales…), définir une stratégie régionale cohérente et intégrée et la mettre en application en promouvant certains principes :

  • encourager la démocratie locale autour de la mise en place des projets d’éoliennes off-shore et de leur suivi ;
  • faciliter la présence de toutes les parties prenantes dans les comités de pilotage à créer (approche concertée) ;
  • encourager la mise en place de fonds d’investissement de proximité dans lesquels les collectivités pourraient être partie prenantes.

 

Des transports maritimes plus sûrs et redéployés

Les régions possèdent des compétences en matière de transport et sont gestionnaires de nombreux ports régionaux depuis 2007. Les régions littorales devront donc investir fortement dans ce secteur :

  • développement du petit et du grand cabotage (autoroutes de la mer), en particulier en Outremer ;
  • développement soutenu du cabotage dans les ports secondaires pour créer activités et emplois et faciliter la réorganisation de la trame portuaire française sur une base multipolaire ;
  • amélioration de la sécurité dans le transport maritime pour le bien des marins et pour limiter les pollutions marines, en particulier par hydrocarbures (remises à niveau des marins pour la sécurité à bord, recherches sur l’amélioration de la sécurité en mer, amélioration de la formation des lycées maritimes) ;
  • équipement en moyens de réceptions appropriés en matière de lutte contre les pollutions marines, en encourageant notamment la mise en place de syndicats mixte de lutte contre les pollutions de type VIGIPOL et en créant des plans infrapolmar sur l’ensemble du littoral ;
  • amélioration de l’efficacité  des contrôles en mer et à quai (normes de sécurité, nombre et qualification des contrôleurs, effectif des navires suffisants, horaires des marins permettant la sécurité des hommes, du navire, et des biens, conditions sociales…) ;
  • mise en place d’un dispositif d’assistance juridique pour les marins abandonnés.

 

 

La formation, la recherche et l’innovation

Les compétences régionales en matière de formation, mais également les initiatives possibles dans la recherche scientifique (PRIR) ou l’innovation technologique, rendent ce volet déterminant dans une politique maritime régionale :

  • développement et prise en charge financière de la formation continue pour les pêcheurs ;
  • soutien fort aux formations aux métiers de la mer dans les lycées maritimes et accompagnement dans le cadre des réformes en cours ;
  • intégration dans les formations initiale et continue des bonnes pratiques en matière de pêche durable et de sécurité en mer ;
  • création de nouvelles filières pour améliorer l’offre de formation (filière de déconstruction des navires, des énergies marines renouvelables…) ;
  • promotion de la transversalité des métiers de mer (pêche / mareyage / transformation des produits….) permettant des passerelles entre les différentes filières maritimes ;
  • amélioration de la formation sur la sécurité en mer dans le cadre de l’apprentissage (interventions de professionnels dans les lycées maritimes, équipement de gilets…), en lien avec l’institut maritime de prévention (organisme national) ;
  • renforcement des réseaux d’éducation à l’environnement marin et littoral ;
  • soutien à la recherche (écosystèmes marins et littoraux, énergies renouvelables en mer, pêche dans un objectif durable, polluants dans les eaux côtières, déconstruction de navires, outils d’aide à la décision pour une gestion intégrée du littoral et de la mer côtière…). ;
  • création de centres de ressources régionaux sur la mer et le littoral ;
  • mise en réseau des acteurs professionnels, des scientifiques, des élus et de la société civile pour les sensibiliser aux enjeux actuels et futurs en matière de développement durable des littoraux et des océans.