Motion Urbanisation du littoral et risques côtiers
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Urbanisation du littoral et risques côtiers

Motion adoptée par le CNIR des Verts des 18 et 19 septembre 2010 (position officielle d’EELV)

 

Attendus :

 

La France est la seconde nation maritime avec 11 millions de km² de Zone Economique Exclusive, dont 97 % en Outremer. Le littoral français est un espace convoité où se concentrent de nombreuses activités (industries maritimes, ostréiculture, tourisme de masse…) et une population toujours plus nombreuse. Ainsi, la densité des communes littorales est aujourd’hui près de 3 fois plus élevée que celle de la France métropolitaine (305 hab./km² contre 109 hab.). Il en résulte une urbanisation croissante le long du trait de côte pour satisfaire le « besoin de mer » des estivants, comme des populations pérennes, au détriment des espaces naturels et agricoles. La spéculation foncière sur le littoral entraîne même, dans certains secteurs, les populations moins aisées et les jeunes à se loger loin de leur lieu de travail, à l’intérieur des terres. Cette compétition pour l’espace se traduit par le mitage progressif du paysage, la multiplication des infrastructures routières et des réseaux urbains et l’artificialisation du trait de côte (infrastructures portuaires et de « défense » contre l’érosion côtière).

 

Or, dans un contexte de modifications climatiques avec l’élévation continue du niveau de la mer et l’augmentation du nombre et de la vigueur des épisodes tempétueux, les risques naturels sur le littoral (érosion côtière, submersion de tempête ou de tsunami) sont croissants. Ils sont souvent aussi aggravés par la construction d’ouvrages sur le littoral. Le passage récent de la tempête Xynthia sur la Vendée et la Charente-Maritime a joué le rôle de révélateur pour l’opinion des carences des pouvoirs publics dans la prévention des risques naturels sur le littoral et des aberrations qui ont trop souvent prévalu : artificialisation inconsidérée de la bande côtière, permis de construire autorisés dans des secteurs à risque par des élu-e-s locaux peu scrupuleux, absence de culture du risque… A ce jour, il existe peu de Plan de Prévention des Risques Inondation sur les côtes françaises : sur 864 communes littorales impactées par la submersion marine, seules 46 ont approuvé un PPR, 71 autres PPR ayant été prescrits.

 

Il est indispensable pour les écologistes de faire entendre leur voix, d’avoir une approche globale de la question, de rappeler les caractéristiques du milieu côtier, les enjeux de l’urbanisation sur le littoral et de ne pas se laisser piéger par l’émotion légitime suscitée par la catastrophe de Xynthia. Le gouvernement a répondu par l’annonce d’un Plan digues, qui a notamment pour but de financer leur consolidation, plan auquel les collectivités locales sont appelées à participer. Il convient de privilégier le préventif au curatif, en accord avec les conclusions du Grenelle de la Mer et de la Directive européenne du 23 octobre 2007 relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation, et d’accepter un repli stratégique en phase avec la dynamique de recul du rivage.

 

Motion :

 

Le Cnir

 

1. rappelant que, dans les secteurs à risque majeur, le coût pour la collectivité du renforcement des digues ne doit pas excéder celui de l’expropriation des habitants ainsi protégés, une analyse coûts/bénéfices devant systématiquement être menée, préconise aux élu-e-s écologistes de refuser le financement public du renforcement des digues ou de tout autre ouvrage de défense contre l’érosion côtière là où ces infrastructures ne sont pas indispensables pour la sécurité des habitants et d’interdire la construction de nouvelles digues ;

 

2. se positionne pour privilégier la restauration des milieux dans la lutte contre l’érosion côtière, pour favoriser la dépoldérisation, pour détruire certains ouvrages inutiles ou néfastes (enrochements, épis…) ainsi que les bâtiments isolés et/ou soumis à de forts risques, comme l’autorise la loi « Barnier » (95-101), avec un souci de concertation et la mise en place d’un fond de solidarité spécifique pour les personnes délogées ;

 

3. se prononce pour l’interdiction de l’extraction des granulats, des galets et du maërl à proximité des côtes qui déséquilibre les transits sédimentaires et favorise l’érosion et la destruction d’écosystèmes ;

 

4. demande que la mise en place des Plans de Prévention des Risques Naturels Prévisibles (PPRNP) dans les zones à hauts risques de submersion, prévue dans le Plan digues, soit accélérée ; ces zones étant déjà en grande partie connues, le délai pour leur identification (début 2011) nous semble trop long, et les procédures peuvent être simplifiées pour une mise en œuvre avant 2013 ;

 

5. propose que des sanctions financières soient prises à l’encontre des communes ne faisant pas respecter leur PPRNP, notamment pour la délivrance des permis de construire ;

 

6. rappelle l’existence des Schémas de Prévention des Risques prévus à l’article L. 565-2 du code de l’environnement (documents d’orientation quinquennaux, non opposables aux tiers, proposant un état des lieux et une mise en perspective) qu’il convient de généraliser rapidement sur tous les départements littoraux et de diffuser à la population, en particulier à tous les propriétaires et résidant-e-s du littoral, avant la réalisation à terme de PPRNP dans l’ensemble des communes littorales ;

 

7. demande à ce que la problématique des risques naturels soit systématiquement prise en compte dans les documents de prospective et d’aménagement du territoire (DTADD, SRADT, SCoT, auxquels il faut adjoindre un volet maritime, SMVM, PLU), en y intégrant une cote de montée des eaux dans la perspective des changements climatiques et le repli stratégique des populations ;

 

8. propose que la délivrance des permis de construire ne relève plus des maires des communes littorales, étant donné la pression exercée sur ces derniers par les propriétaires/électeurs, mais des intercommunalités, à condition que leurs représentant-e-s soient élu-e-s au suffrage direct ;

 

9. réaffirme que la loi « Littoral » qui régit entre autres l’urbanisation sur la bande côtière doit être respectée, en particulier dans les PLU, et que les outils de planification territoriale doivent imposer une urbanisation réellement maîtrisée du littoral (inconstructibilité des zones à risque, régulation et contrôle des activités commerciales « en dur » sur les plages et milieux naturels – paillotes… –, dans le respect des activités traditionnelles liées à la mer, coup d’arrêt à l’étalement urbain, densification des centres-villes, développement des bourgs rétrolittoraux…) ;

 

10. défend l’accès de tous à la côte et demande donc que les sentiers littoraux, reconnus par la loi n° 1285 du 31 décembre 1976, qui instaure une servitude de trois mètres minimum en bordure de toute côte du domaine public maritime, soient protégés contre les accaparements, les aménagements abusifs, et créés là où ils n’existent pas encore ;

 

11. demande la multiplication des Etablissements Publics Fonciers afin de mutualiser les moyens financiers des collectivités locales pour l’acquisition de terrains et la construction de logements sociaux dans les communes littorales, pour limiter la spéculation foncière et garantir l’accès au foncier des populations locales ;

 

12. demande le « réarmement » des directions régionales des services déconcentrés de l’Etat dans ses moyens techniques et budgétaires, afin de mener la politique volontariste qui s’impose sur le littoral (maintien et développement de la R&D, de la maîtrise d’ouvrage des Directions Maritimes, de l’animation, de la coordination et de l’ingénierie de projet des services de l’Etat…), en lien avec les politiques des régions ;

 

13. demande aux parlementaires Verts et Europe Ecologie, français et européens, de proposer ces mesures dans les assemblées.

 

Porteur : Guillaume Marie, responsable de la commission Mer et littoral

 

Autrs signataires :

 

Délégué-e-s : Laurence Abeille (Ile-de-France), Marie-Agnès Chalumeaux (Franche-Comté), Laurent Dupont (Languedoc-Roussillon), Christian Dupraz (Languedoc-Roussillon), Natalie Gandais-Riollet (Ile-de-France), Catherine Hervieu (Bourgogne), Elisabeth Loichot (Ile-de-France), Silvain Pastor (Languedoc-Roussillon), Maria Portugal (Ile-de-France), Philippe Schmitt (Bourgogne), Hugues Stoeckel (Alsace)

 

Membre du CE : Françoise Alamartine

 

Membres de la commission Mer et littoral : Jean-Pierre Bigorgne, Mireille Bourdon, Christian Bucher, Roland Debuysscher, Edwige Fadeieff, Patrick Garnon, Michelle Pendelièvre, Christine Sandel

 

Membre de la commission Environnement : Gilles Euzenat (responsable)